Abidjan, le mercredi 17 septembre 2025(LDA)-Des diplomates accrédités près la République de Côte d’Ivoire ont officiellement présenté leurs lettres de créance au Président Alassane Ouattara ce mardi 16 septembre 2025. Parmi eux figure l’ambassadrice du Niger, Alfari Sita Sahida Badamassi Djariri, dont la mission prend effet dans un contexte diplomatique marqué par des tensions récentes entre Abidjan et Niamey. Cette cérémonie protocolaire intervient alors que les relations entre les deux pays avaient été fortement affectées par le coup d’État du 26 juillet 2023 et les prises de position ivoiriennes dans le cadre de la CEDEAO.
Un passé récent marqué par la crise diplomatique
La Côte d’Ivoire avait condamné le renversement du président élu Mohamed Bazoum, appelant au respect de l’ordre constitutionnel, et soutenu la possibilité d’une intervention militaire de la CEDEAO. Ces déclarations avaient été perçues par Niamey comme une ingérence, entraînant en août 2023 le rappel de l’ambassadeur du Niger à Abidjan pour consultation. Les deux pays étaient alors entrés dans une phase de bras de fer diplomatique, révélatrice de la profondeur des fractures régionales autour des transitions militaires.
Le message conciliant de la nouvelle ambassadrice
La présentation des lettres de créance de Mme Badamassi Djariri marque un retour à un dialogue officiel et symbolise une volonté de normalisation. À sa sortie d’audience avec le chef de l’État ivoirien, la diplomate nigérienne a tenu à insister sur la solidité des liens entre les deux pays : « Nos relations avec la Côte d’Ivoire sont très fraternelles et anciennes. Mon mandat consistera à les consolider davantage dans tous les domaines d’intérêt commun et d’intérêt mutuel que nous avons, notamment dans le domaine économique, commercial, éducatif, culturel et bien d’autres ».
Ce discours traduit un ton conciliant, plaçant la coopération au cœur de son mandat et laissant entrevoir un apaisement après plus d’un an de tensions.
Les experts appellent à la prudence
Pour les observateurs, la nomination de la nouvelle ambassadrice est un geste diplomatique fort mais fragile. Selon Dr Aïssata Diallo, spécialiste des transitions en Afrique de l’Ouest, « la normalisation entre Abidjan et Niamey est possible, mais elle dépendra des actes concrets : coopération sécuritaire, échanges économiques et surtout respect mutuel de la souveraineté ». De son côté, l’enseignant-chercheur ivoirien Mamadou Bamba estime que « ce retour à la communication officielle est une nécessité, notamment face aux défis communs que sont le terrorisme, les migrations et le commerce transfrontalier ».
L’ombre de l’AES et la diplomatie régionale
Cette évolution doit également être replacée dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Niger, le Mali et le Burkina Faso, en opposition avec la CEDEAO. La Côte d’Ivoire, qui demeure un acteur majeur de l’organisation régionale, cherche un équilibre entre sa ligne ferme affichée au lendemain des coups d’État et la nécessité de maintenir ouverts les canaux diplomatiques avec ses voisins.
À titre illustratif, l’invitation adressée par le président Ouattara au colonel Assimi Goïta pour une visite officielle en Côte d’Ivoire, depuis fin 2023, qui attend encore une sans réponse de Bamako. Même si ce silence pourrait symboliser la persistance de possibles réticences de la part du palais de Koulouba vis-à-vis d’Abidjan, cela dénote toute de même qu’au bord de la Lagune Ebrié, on garde la porte ouverte à un dialogue futur avec les dirigeants de l’AES.
La présence d’une ambassadrice nigérienne accréditée à Abidjan constitue ainsi un signe de décrispation en marche. Si elle se confirme par des échanges bilatéraux renforcés et des initiatives de coopération, cette dynamique pourrait contribuer à réduire les tensions entre la CEDEAO et l’AES et à stabiliser un environnement régional en proie à de multiples défis.
Auteur: Armand Tanoh