Abidjan, le jeudi 5 juin 2025(LDA)-Fabiola Flex est présidente de l’Organization for Biodiversity Certificates (OBC). Elle est également co-fondatrice et directrice des Affaires publiques chez ADryada. Fabiola Flex a participé à la stratégie hydrogène de la France au sein de Saint-Bio (communauté des projets européens d’envergure), reconnue pour son expérience au service de la réglementation et des subventions. Le 23 avril 2025, DBC a procédé au lancement du marché-pilote Côte d’Ivoire d’un certificat pour la biodiversité, lors de la 2ème édition du Cap Green un événement organisé par Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), en collaboration avec le cabinet Africa Energy Transition Services (AETS). Dans cet entretien, Mme Flex parle de l’idée de ce certificat, du choix de la Côte d’Ivoire pour le lancement du premier marché-pilote et les enjeux liés audit certificat de biodiversité.
Pouvez-vous, nous parler de ce certificat de Biodiversité lancé par OBC ?
Le certificat de biodiversité est un nouveau dispositif qui va permettre de créer de la valeur et des flux financiers privés pour tous les projets et développeurs de projets engagés dans la protection de la nature. Il répond à une demande d’outils fiables permettant de mesurer, certifier et valoriser les impacts positifs sur la nature. Nous avons décidé de lancer ce certificat parce qu’il y a énormément de gens sur le terrain, que ce soit dans les forêts ou les champs d’agroforesterie qui font des choses permettant de protéger la biodiversité. Il y a un coût, mais ces gens ne sont pas rémunérés pour cela. L’outil carbone n’est pas forcement Or, si l’on souhaite atteindre les objectifs de Kunming-Montréal, qui visent à restaurer et protéger 30 % de la planète, il devient urgent de mettre en place un dispositif capable de mobiliser des financements privés pour soutenir concrètement les actions en faveur de la biodiversité sur le terrain.
Quelle est la différence de ce nouveau mécanisme et le marché carbone qui existe déjà ?
C’est nouveau. Il y a beaucoup de mécanismes qui existent à travers le monde sur les certificats consacrés à la biodiversité. Mais nous, OBC, sommes une initiative, et nous pensons que notre approche est crédible sur le terrain. Elle séduit de très grandes entreprises déjà, on a de grandes chances d’y arriver mais on veut y arriver avec les pays et les développeurs de projets des pays.
Pourquoi le choix de la Côte d’Ivoire pour lancer ce projet ?
Nous commençons par la Côte d’Ivoire, parce que nous avons un membre qui est Agromap (entreprise ivoirienne spécialisée dans la restauration des écosystèmes naturelles) qui est très investi dans l’agro biodiversité. Il a, à cœur, de générer des flux pour ces projets supplémentaires. Il entend rémunérer les bonnes choses qu’il fait en matière de biodiversité mais aussi contribuer à l’amélioration de la biodiversité dans son pays. Il y a eu également un lancement en France (le 24 avril 2025) avec la ministre de l’Environnement. Il y aura un autre lancement au Pérou (mai 2025), au Gabon (septembre 2025) et d’autres au Cameroun, Brésil et au Danemark.
Pourquoi un lancement dans plusieurs pays ?
L’idée, c’est de réussir à faire quelque chose qui fonctionne partout dans le monde entier. C’est donc en le lançant dans plusieurs pays que nous verrons sa faisabilité, parce que ça ne peut pas être quelque chose qui fonctionne que dans un seul pays ; il n’y aura pas de marché. Il faut que ça marche partout et donc nous devons collecter les meilleurs pratiques et trouver les réponses aux problèmes qui se posent dans les pays et apporter des réponses communes. Il faut que ça marche partout. C’est pour cela qu’on est obligé de tester partout.
Mais le certificat de Biodiversité, n’est-ce pas une initiative de trop, surtout que vous disiez qu’il y a plusieurs mécanismes qui existent à travers le monde, sur les certificats de biodiversité ?
Non, je ne pense pas ; sinon on n’aurait pas d’autres entreprises qui nous rejoindraient. Elles seraient allées voir ailleurs. Vous savez, s’il y en a beaucoup, cela veut dire qu’il n’y a aucune qui a été capable de démontrer qu’elle pouvait aller sur le marché mondial, sinon tout le monde irait vers la même. Le marché se cherche et nous, nous pensons que nous avons de fortes chances de contribuer à ce marché.
A qui s’adresse ce certificat sur la biodiversité ?
L’ensemble de l’écosystème est concerné : les développeurs de projets, qui vont générer les certificats ; les États, car cela représente une opportunité de mobiliser des financements privés au bénéfice du pays ; et les entreprises, qui pourront les acquérir pour valoriser leur engagement. Qu’elles soient locales ou internationales, elles pourront ainsi affirmer qu’elles contribuent concrètement à la stratégie nationale du pays dans lequel elles opèrent.
Et en termes de plus-value, quel intérêt pour une entreprise d’avoir un certificat de biodiversité OBC ?
Il y a plusieurs cas. Au cours de ce forum, Guy Marc Nemlin de Foxtrot international, filiale du groupe Bouygues expliquait qu’il fait des bonnes choses qu’il a du mal avec son entreprise à mettre dans leur rapport extra-financier parce que les méthodologies qui existent sont extrêmement complexes Le certificat de biodiversité peut être mis dans un rapport financier, pour valoriser. Les comptages exprès sont extrêmement difficiles à mettre dans un rapport financier. Et ce qu’il apprécie dans notre méthodologie est que les actions qu’ils mènent vont désormais pouvoir être plus facilement valorisées dans ces rapports extra-financiers. Ça c’est le premier cas de figure. Le second cas de figure, ce sont les entreprises qui ont un risque dans leur chaîne de valeurs, du fait du changement climatique et de la perte de la biodiversité ; il y a une partie de leurs matières premières qui est à risque. Donc, il faut qu’elles agissent pour la biodiversité et avec cette méthodologie ; elles vont être sûres qu’elles mènent les actions les meilleurs pour la biodiversité. Vous avez aussi des entreprises étrangères qui veulent venir dans un pays, s’y installer et se développer, pour elles, acheter ces certificats de biodiversité, ça va être l’occasion de montrer qu’au-delà de leurs obligations réglementaires, elles contribuent à la stratégie nationale de biodiversité du pays d’accueil. Et cela est très important pour beaucoup d’entreprises étrangères de montrer qu’elles font des choses bien pour le pays, où elles veulent se développer pour leurs intérêts économiques.
Le certificat OBC est-il disponible et quel est le référentiel de votre certification ?
Pour le moment, nous sommes en train de le bâtir, c’est pour ça, justement que nous sommes-là pour le lancement de ce centre-pilote; et que nous appelons tous ceux qui sont sur le terrain, les entreprises, les experts à s’approprier cette initiative.
Avez-vous un dernier message ?
Nous sommes dans la co-construction. Nous n’avons pas de réponses théoriques. Nous sommes actuellement en discussion avec trois grands organismes de certification avec lesquels nous voulons travailler, mais il serait vraiment intéressant de voir ce qui se passe sur le terrain et c’est pour cela que nous sommes-là. Nous appelons tous les acteurs à nous rejoindre afin que nous puissions ensemble mettre en place quelque chose qui fonctionne dans le monde entier, en prenant en compte les spécificités locales.
Auteur: Entretien réalisé par Eugène Yao