Abidjan, mardi 5 août 2025 – À l’occasion d’une table ronde organisée en juillet dernier par l’ONG Femmes Ivoiriennes en Politique (FIP) à la Rotonde de l’Assemblée nationale, à Abidjan-Plateau, le Professeur Joséphine Gudy Wandja, première femme professeure de Mathématiques en Côte d’Ivoire, a apporté une contribution originale sur les élections présidentielles ivoiriennes, en les analysant à travers une approche mathématique.
Intervenant sur le thème « Élections en Côte d’Ivoire : leçons du passé pour des élections apaisées en 2025 », Pr Wandja a utilisé une métaphore pédagogique pour illustrer son propos. Elle a comparé le processus électoral à un exercice de mathématiques élémentaires : « Dans une classe de cours élémentaire, pour introduire la notion de fraction, le professeur pose sur sa table quatre figures géométriques et demande à un élève choisi au hasard de prendre un carré parmi ces figures et de le diviser en deux parties égales. Que doit savoir cet élève ? », questionne-t-elle. Puis elle répond : « L’élève doit connaître la définition d’un carré, comprendre ce que signifie diviser, ce que représentent les deux parties égales, mais aussi maîtriser la langue utilisée pour la communication ».
Une approche mathématique pour comprendre les élections ivoiriennes
Elle souligne que, face à un problème mathématique, sans la compréhension claire des notions de base, même la récitation des théorèmes ne permet pas de résoudre le problème. « Il en va de même pour les élections », affirme-t-elle.
Pr Wandja rappelle ainsi la nécessité de définir précisément ce qu’est une élection démocratique, ce qu’implique une élection juste, transparente et apaisée, et d’identifier clairement les étapes du processus électoral – pré-électoral, électoral et post-électoral – ainsi que les acteurs responsables de leur mise en œuvre. « À quelques mois du scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire, peut-on affirmer que toutes les étapes ont été respectées ? », interroge-t-elle.
Elle invite également à une analyse rigoureuse des chiffres électoraux : « Quelle est la population à chaque élection ? Combien d’inscrits ? Quel est le nombre de votants et de suffrages exprimés ? Quel taux de participation ? Pour chaque candidat, quel est le pourcentage de voix par rapport aux suffrages exprimés et à l’ensemble de la population ? » Ce questionnement, selon elle, est indispensable pour dresser un état des lieux précis du processus électoral ivoirien.
Processus électoral : questions clés et transparence
Pour aboutir à des élections apaisées, Pr Wandja insiste sur l’importance du dialogue entre les parties prenantes, sur la nécessité d’un découpage électoral équitable, ainsi que sur le respect du code électoral et de la Constitution.
Depuis l’instauration du multipartisme, la Côte d’Ivoire a organisé six élections présidentielles (1990, 1995, 2000, 2010, 2015 et 2020). Ces scrutins ont souvent été marqués par des violences, les femmes étant particulièrement vulnérables, rappelle-t-elle.
Elle note que « les objectifs de performance électorale souvent attendus par l’Occident ne sont pas encore atteints en Afrique, car beaucoup de jeunes ne peuvent imaginer des élections démocratiques sans violence, faute d’une culture électorale suffisamment développée ».
« Il a fallu plus de trois siècles à l’Occident pour maîtriser ce système électoral, et aujourd’hui, ses élections se déroulent généralement dans le calme, sans pertes humaines. Le chemin est donc encore long chez nous », conclut-elle.
Née en 1945, Joséphine Gudy Wandja est la première femme ivoirienne et africaine agrégée en Mathématiques. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages, dont Démocratie, l’impossible équation africaine ! (2005) et Élection démocratique et Mathématiques (2020), qui analysent les élections ivoiriennes à travers le prisme des sciences mathématiques.
Eugène Yao
Auteur: Eugène Yao